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Propos divers

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16 décembre 2012

Logos et mythos

Regarder le Monde.

Il y a longtemps, deux objets me fascinaient et me semblaient détenir tous les secrets de la connaissance, les clefs de l'exploration du monde : le dictionnaire et la boîte à couture.

Du côté des mots, du côté des livres, le premier de tous, le dictionnaire ; bien évidemment le « Petit Larousse illustré », celui des familles, avec ses deux parties, noms communs et noms propres, séparées par les locutions latines et proverbiales pour faire le malin ; en rose le « latin », c’était son petit côté qui se voulait féminin, tout le reste était gris et sévère mais considéré comme juste. Même les illustrations d'alors ressemblaient aux mots, en noir et blanc, plutôt gris sur gris, sur un fond de page sépia par la décoloration du temps.

Le Larousse était le Juge de Paix, l’arbitre des évidences, la certitude du savoir. « La preuve par l’étymologie ». Tout y était écrit, tout était expliqué, simple, clair, définitif ; affirmé universel et atemporel.

Du côté des images, du rêve, de l'imagination, la boîte à couture était, donc une boîte. Métallique ; boîte dont le contenu d’origine, de possibles madeleines, « Petits Sablés » ou « Palets bretons », avait été mangé et oublié depuis « avant guerre ».

Ce contenu avait été remplacé par un assortiment hétéroclite, mais enchanteur, de boutons de chemise, de culotte, de manteaux, de bottines, etc. ; et par divers objets et accessoires de couture. Petits morceaux de rubans, perles, agrafes, bobines de fil me murmuraient qu'il faudrait faire attention aux aiguilles, épingles et autres causes de meurtrissures.

Tout le monde savait, moi aussi, qu’il s’agissait de pacotilles, strass et paillettes, récupérées peu à peu sur des vêtements hors d’âge, d’usage et de mémoire. Émerveillement des apparences. Mais … « on ne jette rien…on ne sait jamais ...ça peut toujours servir...il ne faut pas brûler la chandelle par les deux bouts … vous mangez votre pain blanc mes pauvres enfants ...». Et toutes ces sortes de choses, mesquines et généreuses à la fois, paradoxe universel.

Pour moi, c'était promesse d'or, d'argent, de rubis, nacres, diamants, émeraudes... Le monde était un trésor de pirate, la caverne d’Ali Baba ...

Et il y en avait tant et tant que toute nouvelle fouille laissait découvrir des merveilles de vermeille et faisait courir mon imagination.

Cela fonctionnait comme un kaléidoscope, au travers duquel je rêvais le monde. Ou comme plus tard, pas toujours en solitaire, la lecture des nuages.

« J’aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages! »

Avec les mots des livres et le dictionnaire comme témoin, le terrain est sûr, balisé. Supposons que l’on appelle un chat un chat et que j'écrive ou dise un chat, vous comprenez un chat.

Tout le monde est content.

Le risque toutefois avec les mots est de s’enfermer dans les définitions et de se laisser prendre au simulacre d’un savoir confit...squé.

Mais chaque mot est aussi une image et renvoie à d’autres mots. On peut ainsi voyager dans les livres en volant, dans les deux sens du terme, de mot en mot. En pillant, sans les prendre au mot à mot, les mots « qui s’aiment », qui s’assemblent, se ressemblent, me ressemblent.

Livre, vibre, vivre, ivre, libre...

Et s’ils n’existent pas dans les dictionnaires, d'être justement ivre et libre de les inventer, ou de prêter des bottes au « chat » pour en faire un « Marquis ».

Le risque, en se laissant embarquer dans les contes et merveilles, est de se perdre dans les nuages, de se payer de mots et de se livrer à l‘ivresse des ornements prétentieux, des élégances trompeuses du masque des apparences.

 

Entre le code conventionnel et les voyages imaginaires, en quittant les mots de plomb et en les prenant ainsi que des images, en me servant des images comme si elles étaient des mots de plume, j'ai découvert le monde.

Depuis les nuages.

 

 

 

 

 

Oazo Plumperch' 2006

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